Frédéric Hégo
La galerie Le Gisant a le plaisir d’accueillir les œuvres de Frédéric Hégo, artiste expressionniste, du 22 juin au 14 juillet 2018.
« Peindre sur verre c’est un travail qui cherche son but dans le processus même de peindre à rebours. La peinture (encre grasse de typographie, huile ou spray acrylique) est fixée à l’envers, sur et derrière la plaque de verre. Celle-ci devient support et écran de l’image. Ainsi prise au piège entre le verre et le fond la peinture nous renvoie un résultat fini, qui ne permet pas de « retouches ». C’est l’ici et le maintenant de l’acte de peindre qui m’intéresse. Une bagarre où le dessin et la couleur s’organisent, pour établir un autre espace temps qui in fine n’est plus accessible au savoir.
Une peinture dématérialisée
J’interviens intuitivement, par l’acte, et l’expansion de cet acte m’amène à stratifier, trier, éliminer ou conserver. C’est durant ce cheminement que se structure l’image. Le sens et le contenu ne prennent place que par l’expérience du tableau. Ils s’installent au fur et à mesure de la réalisation. Il s’agit ici d’une peinture dématérialisée offrant des propriétés picturales, voilées d’une épaisse couche cristalline. Ce filtre minéral nous met à distance de la peinture et pourtant nous plonge au cœur de la matière.
De manière générale, mon travail interroge les sujets d’ici bas parce qu’ils sont là, élémentaires, évidents à nos existences. Je trace un corps, un animal ou un paysage comme un motif. Je triture ce motif, le bouscule pour en faire émerger quelque chose qui n’apparait véritablement que dans la distance prise par rapport au réel. Nos viles réalités s’imposent alors sous une surface lisse, impeccable. »
Frédéric Hégo, 2018
Le travail de Frédéric Hégo
« Frédéric Hégo travaille depuis 20 ans à démailler, fouiller, sonder le Monde dans un dessein réaliste, ou plutôt cherche-t-il à figurer notre monde. Sa figuration, très noire, est de charbon et d’huile. Elle prend forme dans des interrogations picturales élémentaires, le fond, la forme, le difforme, l’informel, la matière, le geste, le carné, l’incarné… la peinture. Peindre, c’est une bagarre entre la substance (la matière, le corps, l’auteur) et les objets fantasmés. Son œuvre tend en volontés naturalistes, en vérités que la matière titille quelque peu. Son dessin structure l’image comme une homologation de l’identité artistique. Les fonds d’architectures et les paysages d’encres noires s’entrechoquent avec des motifs enrichis de couleurs brutes et vives.
Un univers de forts contrastes
Peu à peu, le travail de Frédéric Hégo prend assise dans un univers de forts contrastes, de contradictions même. Car c’est notre monde qu’il emprisonne sous le verre. Le noir prend notre forme, quelle qu’en soit le sujet. La peinture devient géographies des “Zona ædificanti” européennes, no man’s land peuplés des fantômes et des visions expurgées du gras des énergies fossiles.
Peindre, d’urgence pour se rassurer du désespoir, l’âme éclairée par les habits de lumières, le scintillement des artifices. La peinture est une corrida, mate et brillante, une fête explosive ou les cris de l’homme, invoquent la mort, ce leitmotiv au souffle court, le geste suspendu, les bêtes noires de sang. »
(Loubet Loubet, 2015)
Vernissage vendredi 22 juin, à partir de 18h – Exposition du 22 juin au 14 juillet 2018
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Le « fixé sous verre » : historique
Le « fixé sous verre » consiste à exécuter le travail de peinture au revers d’une plaque de verre, parfois elle-même gravée. Le principe est de peindre le motif à rebours, en exécutant d’abord les détails. Les peintres contemporains s’autorisent volontiers un procédé proche du monotype des graveurs.
Largement pratiquée en Europe, de l’Espagne à la Pologne, et jusqu’en Asie, la peinture sous verre est liée à l’industrie du verre. L’origine remonte aux premiers temps du christianisme. En d’Europe centrale, souvenirs et ex-voto à l’intention des pèlerins qui se rendaient dans les sanctuaires célèbres sont d’une expression plus populaire. Venue d’Italie par le Tyrol et la Bavière vers 1770, la technique y est florissante pendant un siècle. Au contraire des peintures sous verre italiennes, les fixés d’Europe centrale et d’Allemagne, de Hollande, restent un artisanat régional, folklorique, séduisant par son charme populaire.
Le XXe aura peu pratiqué la peinture sous verre, sauf pourtant plusieurs peintres du Blaue Reiter qui expérimenteront ce genre : Jawlensky, Macke, Gabriele Münter, Kandinsky, Campendonck… En Belgique, Floris Jespers est l’auteur de nombreuses peintures sous verre comme, en France, Marcoussis, après la guerre…
Aujourd’hui, Frédéric Hégo réinvente cet art.